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You're my perfect murderess, You shot my life before I was born. シ
1997, je crois que ce fut la pire année pour moi, quand bien même je n'étais pas conscient du monde qui m'entourait.
Pourquoi a-t-il fallu que tu m'abandonnes aux portes de cet orphelinat alors même que tu venais de me mettre au monde ? N'avais-tu déjà pas de compassion, n'y d'amour à cette époque ? Pauvre petite chose perdue que tu devais être. Je te hais tant, de n'avoir pas su me garder à tes côtés, d'avoir fait preuve de lâcheté. Je sais que la vie est dure, je suis bien placé pour le savoir, mais quand on se donne les moyens et la force, alors on peut avancer.
Tu n'as tout simplement pas eu le temps de contempler mon visage, sinon, tu n'aurais pas su te séparer de moi. Narcissique ? Non, mais lorsqu'on pose son regard sur une chose aussi innocente et fragile, on veut à tout prix la protéger. Ou alors étais-tu également insensible ? Je te hais, autant que je peux me haïr moi-même de penser à toi.
J'ai grandi avec l'amour d'un foyer bancal, sans chance d'être adopté mais avec le statut du petit martyrisé. Dae-hyun fut le nom qu'on m'a donné, j'étais un petit miracle descendant d'un poisson d'avril. C'est une coutume en France de faire des blagues à cette date-là. Je suis une blague à moi tout seul n'est-ce pas ?
Si tu m'as abandonné, c'est que je n'aurais jamais du naître.
Au fond de moi, je suis bien loin de l'image que j'ai pu donné lorsque j'ai commencé à grandir. Renfermé sur moi-même, je n'étais pas des plus populaires. Je crois que ce qui m'a fait devenir lâche, ce fut au court de cet incident. Quand le petit démon de Ho joo - un orphelin parmi tant d'autres - avait eu sa poussée de violence, menaçant notre maman de substitution. J'ai vu le coup partir, je n'ai alors pas hésité un seul instant, quand bien même la peur me tiraillait les entrailles, à m'interposer et j'ai pris ce coup qui ne m'était pas destiné. Je ne suis pas sur qu'il s'en veuille, même au jour d'aujourd'hui. J'ai encore la trace de cet effort, cette preuve que je tenais à elle malgré son manque de sentiments, son refus de câlins ou de compassion. Elle restait le seul foyer que j'avais connu et qui m'avait accepté.
J'ai commencé à devoir faire face aux critiques, aux bousculades, baissant le regard, j'ai fuit, accumulant le surnom de "
lâche", de "
looser" mais ça ne me touchait plus, cette carapace fondé sur la peur, les pleurs et la colère.
Aucun ami proche, juste de vagues connaissances, je n'ai jamais été quelqu'un de drôle, sûrement ce côté fun qui me manquait pour atteindre un semblant de popularité. Mais même encore maintenant, je suis cette épaule d'écoute et de réconfort, quelques mots et le sourire les consume à nouveau.
Pourtant, mon attrait mystérieux a attisé l'intérêt, et j'ai fini par goûter à la luxure des courbes. Une fois, ce fut celles d'un garçon, plus robuste que moi, première fois à tous les deux, j'ai ressenti le besoin qu'il me protège entre ses bras musclés. Mais j'ai fini par être la risée de mon collège et le surnom de "
tapette" me colla avec les autres. Heureusement, depuis les mentalités ont évolué tu sais ? Enfin, certains restent très fermé d'esprit mais je ne suis plus aussi jugé qu'auparavant. Il fut ma première expérience gay qui me fit comprendre que j'aime les garçons bien plus que l'instinct maternel des filles.
J'ai contracté une peur viscérale des profondeurs. Ça s'appelle la bathophobie, le savais-tu ? Peut-être as-tu la même ? Bien que je doute que ce soit héréditaire.
Par quel miracle ai-je commencé à l'avoir ? Quand un maître nageur se voulant malin, m'avait projeté dans l'eau avec force. Je n'avais pas de ceinture, je n'avais presque pas appris à nager, et les yeux ouverts sous l'eau, ma gorge me brûlait, la panique m'avait pris aux tripes alors que je n'avais aucune idée de comment remonter à la surface. On a juste eu le temps de me repêcher avant que l'eau n'infiltre mes poumons. Depuis j'ai encore du mal à prendre un bain. Finalement.
Allergique aux crevettes. L'es-tu également ? Ou est-ce que je tiens cela de mon père ?
J'ai failli mourir tu sais, plus d'une fois d'ailleurs si on lit mon histoire, ce jour-là, ce fut le 24décembre, au soir d'un réveillon bruyant, à l'orphelinat. Douze ans, innocent - ou presque - on avait le plaisir de pouvoir goûter à de nouvelles choses - plus cher que notre repas annuel - et je m'étais régalé jusqu'à la faute fatale. Comment aurais-je pu savoir que je n'avais pas le droit d'y toucher ? Tu m'aurais pris avec toi, tu aurais pu me sauver de ses griffes déchirantes. Au lieu de ça, j'ai passé mon noël enfermé entre ses quatre murs blancs de l'hôpital. Encore une fois je me retrouvais là-bas.
Je te hais tu sais, toi et tes fichus allergies, toi et ta fichue lâcheté, toi et ton visage inconnu.
Depuis tout jeune, j'ai eu le plaisir de tenir un crayon entre les mains, et il ne m'a jamais quitté. Je crois que c'est le moyen le moins dangereux que j'ai trouvé pour exprimer mes émotions, mes états d'âme. J'en fais des œuvres d'arts irréalistes tandis que d'autres se battent contre les gens ou contre eux-même.. Un coup de crayon et je m'évertue à épancher mes maux. J'aime aussi me poser pour admirer le paysage et les gens qui m'entourent, peut-être avec l'idée folle que tu vas apparaître devant moi, Ce sont les rares moments où je souris sincèrement, m'a-t-on dit un jour. Ai-je le même sourire que toi ? Je ne crois pas, le mien est triste, le tien doit être plus joyeux sans moi.
Un meilleur ami, qu'est-ce que c'est ? As-tu seulement une personne sur laquelle tu peux autant compter ? Je l'ai touché du bout des doigts, frôlant cette perfection d'âme sœur à l'amicale. Celle qui nous comprend en un regard et éclaire notre matin en un sourire. Cette même personne qui te tend la main et supporte les aléas de la vie. J'étais très proche de lui tu sais, je dirais même que j'avais envie de le considérer comme un frère. Aurais-je du lui demander qui était sa mère ? Peut-être serais-je tombé sur toi.
Mais les circonstances de la vie me l'ont arraché. Je crois que j'ai cette fâcheuse tendance à côtoyer les difficultés, l'acharnement à se montrer cruelle avec moi. C'est aussi ce qui m'a refroidit à être proche des gens, par crainte, par douleur, qu'en sais-je. Je regrette simplement cette approche, cette compréhension mutuelle.
"I’m a realist dreaming impossible." c'était sa phrase, son slogan, et je le porte sur moi dorénavant.
Université, je suis grand maintenant tu sais, j'ai un look plutôt difficilement passe-partout mais les gens finissent par s'y habitué. J'ai choisi de faire partager ma passion, et les études me prennent beaucoup de temps. L'orphelinat n'avait pas beaucoup d'argent, aussi à ma majorité, j'ai été mis dehors sans ménagement, je suis déjà chanceux d'avoir eu un foyer, alors je travailles comme serveur pour me payer les frais de scolarité. Je déteste ce boulot éreintant mais il faut bien survivre en travaillant. As-tu tout sur un plateau d'argent ? Ou bien, galères-tu autant que moi dans ce monde ingrat ?
L'héritage, l'argent, le pouvoir. Des mots qui sonnent si difficilement à mes oreilles. J'ai hérité de sa fortune que je ne voulais pas. Même des années après sa mort, il pense toujours à moi. Au moins ai-je compté pour quelqu'un. Mais je n'aime pas ce que la société révèle chez les personnes riches, arrogance, orgueil, méchanceté et fausseté. Je suis forcé de constater que ce ne sont pas les traits de ma personnalité. Alors je cache cette version abjecte loin de moi, sur un compte en banque dont des petits versements viennent remplir les caisses de ce foyer d'accueil, grâce à eux, je suis en vie, j'existe, quand bien même c'est en transparence. Quand bien j'ai été traité comme une tare qu'il fallait évité, quand bien même j'ai été martyrisé par les autres orphelins et délaissé par les adultes à mon triste sort. Personne, ou presque ne sait qu'au final, je fais dorénavant partie de cette haute société.
Je crois que cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit dans ce journal, sûrement parce que je trouvais ça trop fleur bleue - digne d'une fille - mais finalement, ça fait un bien fou de te parler, même-si ce n'est qu'à travers un semblant de papier et que tu ne liras jamais ses lignes. Es-tu seulement en vie, toi la génitrice que je ne connais pas ?
J'ai beau être entouré, je me sens seul tu sais, complètement à l'écart dans ce monde, et bien que je ne l'avouerais pas, j'espère juste rencontrer cette personne qui saura me prendre dans ses bras et nous créer un monde, une bulle de bonheur. Romantique et utopiste n'est-ce pas ? Je me claquerais bien moi-même de l'être autant. Mais des bras robustes donneraient l'impression d'exister. Que ma venue au monde est au moins un sens. Quand bien même, elle n'en a pas eu pour toi.
S.SG